The Southern Hemisphere Eccentric
Un hommage à Burt Munro, le 'Southern Hemisphere Eccentric', dont la détermination, le courage et l'ingéniosité ont marqué l'histoire de la moto. Une source d'inspiration intemporelle pour les créateurs, les passionnés et les rêveurs d'aujourd'hui.
Bertrand Selva
12/14/20246 min read
Il arrive parfois, au détour d’une découverte littéraire ou cinématographique, qu’un personnage s’impose à nous. Un personnage dont le parcours, les valeurs ou la manière d’affronter la vie nous inspire immédiatement. Pour moi, cette figure a pris la forme de Burt Munro, ce pilote néo-zélandais à l’histoire extraordinaire, que les Américains de Bonneville surnommaient affectueusement "The Southern Hemisphere Eccentric" – l’excentrique de l’hémisphère sud.


Sa vie et ses exploits
J’ai découvert son histoire grâce au film éponyme réalisé par Roger Donaldson et magnifiquement interprété par Anthony Hopkins. Le film raconte son incroyable parcours vers Bonneville et son triomphe face à des obstacles qui semblaient insurmontables. C'est vraiment un film à voir.
Burt Munro est né le 25 mars 1899 à Invercargill, en Nouvelle-Zélande, et est décédé le 6 janvier 1978 dans cette même ville. Dès son plus jeune âge, il a nourri une passion dévorante pour la mécanique et la vitesse, une obsession qu’il a cultivée toute sa vie. Ce n’était pas un homme riche ni particulièrement favorisé par les circonstances, mais il avait un don : celui de transformer n’importe quel problème en défi, n’importe quel obstacle en opportunité.
Son histoire est intimement liée à celle de sa moto : une Indian Scout de 1920, achetée neuve dans ces années-là. La moto était conçue pour atteindre à peine 90 km/h. Pendant des décennies, Burt a patiemment modifié cette machine dans l’espace réduit de son garage, avec des outils rudimentaires et des matériaux de récupération dans le but de la rendre toujours plus rapide. On raconte qu’il coulait ses pistons dans des boîtes de conserve, qu’il ajustait des pièces à la main avec des tolérances qui auraient nécessités, pour un humain « normal », des machines-outils et des outils de métrologie. Il fabriquait même des pièces aussi techniques que les soupapes ou les arbres à cames. Il disait souvent que sa moto "tenait par des bouts de ficelle, mais volait comme le vent".
En 1967, à 68 ans, avec une santé déjà fragile, Burt Munro a réalisé l’exploit de pousser cette moto bien au-delà de ses limites, atteignant plus de 300 km/h sur les lacs salés de Bonneville, dans l’Utah. Ce record, établi avec une machine d’un autre âge, sans suspension arrière, sans frein moderne, sans suspensions hydrauliques, ni parachute de freinage, reste inviolé à ce jour. Les conditions étaient rudimentaires, le cadre était d’origine, aucun dimensionnement ne venait conforter qu’il était possible d’atteindre une telle vitesse avec ce cadre sans risque, aucun essai en soufflerie ne garantissait que la forme du carénage n’allait pas dramatiquement déstabilisée la moto à vitesse élevée, et pourtant...
Burt était plus qu’un génie de la mécanique. C’était aussi un homme attachant, il est dit qu'il était profondément chaleureux et doté d’un humour qui désarmait même les plus sceptiques. À Bonneville, où il était entouré de machines rutilantes et d’équipes sponsorisées (et de beaucoup beaucoup d'argent), il s’est d’abord fait remarquer par sa simplicité et son approche directe. On le trouvait souvent en train de discuter avec des enfants curieux, leur expliquant avec passion le fonctionnement de sa moto. Il aimait montrer les pistons qu’il avait fabriqués, racontant que leur métal provenait de "vieilles boîtes de haricots". Cette manière d'exister et de s'imposer "humainement" dans un milieu qui ne l'attendait pas, et qui a du le prendre pour un parfait illuminé est déjà, en soit, remarquable.
Une anecdote raconte qu’à Bonneville, après une journée d’essais ratés, il est allé boire un café avec des pilotes bien mieux équipés que lui. L’un d’eux, impressionné par son optimisme, lui aurait dit : "Burt, tu ne devrais pas être ici avec cette vieille moto." Ce à quoi il aurait répondu, le sourire en coin : "Peut-être, mais on va voir si elle te rattrape demain." Et il l’a fait.
Même dans l’échec, il conservait un certain détachement. Un jour, après une chute spectaculaire sur le sel, on l’a retrouvé en train d’examiner calmement sa moto, assis dans la poussière. Quand on lui a demandé s’il allait bien, il a simplement répondu : "Elle a eu mal, mais elle va encore courir."


Une philosophie inspirante
L’histoire de Burt Munro ne se résume donc pas à un record ou à une série de chiffres. Elle est le témoignage d’une manière d’être, d’une approche courageuse et pragmatique face à la vie. Il vivait dans un contexte de modestie extrême, sans maison, dans son abris de jardin avec sa moto et ses outils. Mais cela ne l’a pas freiné, même si les premiers voyages aux Etats-Unis se sont déroulés dans des conditions très difficiles. Pas plus que sa santé fragile (le travail toutes ces années sans protection respiratoire le faisait souffrir d’angine de poitrine et de problèmes respiratoires et cardiaques).
Son parcours témoigne de ce qu'une immense ténacité permet de faire. 30 ans à bosser seul dans un abris de jardin, sans moyen et sans outil, puis partir à Bonneville en bateau pour une traversée qui durait des mois, sans le sous, à 60 ans passé, et être sur d'avoir sa place : il fallait en avoir... A mon sens, ce qui le distingue particulièrement et qui rend son histoire si incroyable, ce n’était pas seulement son talent technique, mais cette capacité à persévérer quoi qu’il arrive et à faire beaucoup avec très peu.
Une source d’inspiration personnelle
Bien sûr, Burt Munro est une véritable source d’inspiration.
Aujourd’hui, nous vivons une époque paradoxale. D’un côté, l’esprit d’entreprise et de création semble parfois reculer, écrasé par des impératifs économiques ou par la complexité croissante des systèmes. De l’autre, jamais l’accès au savoir et aux outils techniques n’a été aussi ouvert, aussi démocratique. Ce paradoxe offre à la fois des défis immenses et des opportunités.
Il y a encore une quinzaine d’années, accéder à la littérature scientifique, aux outils de fabrication ou d’instrumentation avancés était réservé à une élite institutionnelle. Aujourd’hui, il est possible d’explorer presque tous les champs de la connaissance académique, instantanément et depuis n’importe où (si on cherche et qu'on ne se limite pas à l'offre "officielle"…). Les outils eux-mêmes se sont démocratisés : l’impression 3D, les routeurs CNC, les analyseurs de réseau à bas coût, les outils pour la construction mécanique, l’abondance de composants variés, performants et peu chers disponibles sur des plateformes chinoises ont changé la donne, etc, etc, etc. Tout ceci n'existait pas il y a encore 15 ans : ce qui relevait autrefois de l’industrie ou du laboratoire est désormais à la portée des particuliers et des passionnés.
L’intelligence artificielle ajoute une couche supplémentaire à cet élan : les grands modèles de langage offrent des possibilités de synthétise et d’exploration des connaissances incroyables.
Je me demande ce qu’un homme comme Burt Munro, avec sa détermination inaltérable et son esprit débrouillard, aurait pu accomplir avec ces outils modernes. Avec une imprimante 3D, un vieux tour réformé, un compte Aliexpress, un bon PC et un peu plus de confort et d'argent….
Aujourd’hui, nous vivons un moment où, dans une certaine mesure, la technique et le savoir quittent en partie les institutions pour être appropriés par tous (à mon sens l'essor de l'IA pour le grand public s'inscrit dans cette dynamique et est donc positive). C’est un moment joyeux et un peu "punk".
Il suffit de regarder le travail accompli par les médias citoyens, la communauté du libre, les makers et les passionnés de tout bord. Ces mouvements, comme Burt en son temps, démontrent que l’ingéniosité et la passion peuvent ouvrir des portes que beaucoup pensaient fermées. Dans ce contexte, Burt Munro reste une figure tutélaire. Il incarne une liberté de créer, d’innover, et de rêver qui transcende son époque.
Son exemple nous rappelle que l’effort sincère, allié à la ténacité et à l’imagination, peut transformer des défis en opportunités. C’est une leçon précieuse, surtout à une époque où les outils pour créer et innover n’ont jamais été aussi accessibles.
À la créativité, aux motos, à la technologie et à l'esprit libre !
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