Chirp, cheap et chic : LoRa

L'étalement de spectre est une technique de télécommunication où un signal est dispersé sur une largeur de bande plus large que ce qui est nécessaire pour sa transmission. Cette dispersion améliore la résistance aux interférences, renforce la sécurité des transmissions et permet d'augmenter la sensibilité. Comment cela fonctionne ?

Bertrand SELVA

8/21/20245 min read

LoRa, un protocole développé en France par la startup Cycleo, fondée à Grenoble en 2009, a rapidement attiré l’attention du secteur des télécommunications. En 2012, Semtech a acquis ce protocole et a poursuivi son développement pour en faire une norme mondiale. L’une des raisons principales du succès de LoRa réside dans l’utilisation de la technologie d’étalement de spectre, un procédé essentiel pour permettre des communications à longue portée et à faible consommation d’énergie, particulièrement adaptées aux besoins de l’Internet des Objets (IoT).

Qu’est-ce que l’Étalement de Spectre ?

L’étalement de spectre est une technique de télécommunication où un signal est dispersé sur une largeur de bande plus large que ce qui est nécessaire pour sa transmission. Cette dispersion améliore la résistance aux interférences, renforce la sécurité des transmissions et permet d’augmenter la sensibilité. Dans le contexte militaire, cette méthode est particulièrement prisée, notamment via la technique du Direct Sequence Spread Spectrum (DSSS), qui multiplie le signal par une séquence de bits pseudo-aléatoire (une très longue séquence). Ce procédé rend le signal non seulement plus difficile à intercepter, mais aussi plus résistant aux brouillages intentionnels. Une autre technique d’étalement de spectre couramment utilisée est le Frequency Hopping Spread Spectrum (FHSS). Dans ce cas, le signal change rapidement de fréquence selon une séquence prédéterminée, rendant l’interception encore plus complexe. Ces deux méthodes sont largement utilisées dans les communications militaires, où la sécurité et la résilience face aux interférences sont primordiales.

CHIRP

LoRa, de son côté, utilise une approche différente : le Chirp Spread Spectrum (CSS). Le terme “CHIRP” vient du son produit par certains oiseaux ou insectes, où la tonalité change graduellement, et c’est cette analogie qui a donné son nom à ce type de modulation .Cette technique consiste à étaler le signal en fréquence grâce à une onde modulée par CHIRP : la fréquence de l’onde varie de manière continue sur une période donnée. En d’autres termes, dans une onde modulée par CHIRP, la fréquence de l’onde augmente ou diminue linéairement.

Pour bien comprendre ce fonctionnement, imaginez un piano utilisé pour envoyer un message binaire composé de 0 et de 1. Si l’on utilise la modulation FSK, chaque note (un 0 ou un 1) est représentée par une fréquence distincte. Si l’une des fréquences est perturbée par l’environnement, le message peut être corrompu.

En revanche, avec l’étalement de spectre CHIRP, plutôt que de jouer une seule note pour symboliser un 0 ou un 1, on joue toute la gamme. Une gamme jouée rapidement représente un 1, tandis qu’une gamme jouée lentement symbolise un 0. Même si une note est mal perçue, les autres notes permettent de reconstituer le message avec précision.

Orthogonalité et Canaux Multiples

Le protocole LoRa permet la coexistence de plusieurs canaux sur la même fréquence grâce au concept d’orthogonalité : LoRa utilise des chirps où la fréquence du signal augmente ou diminue de façon linéaire. En ajustant les paramètres du chirp, tels que le décalage initial de la fréquence ou le sens de la variation (montant ou descendant), il est possible de générer des signaux qui ne se chevauchent pas en termes d’information transmise, même s’ils occupent la même bande de fréquence. Ces signaux sont dits orthogonaux parce que, même si leur spectre peut se chevaucher, les caractéristiques spécifiques de chaque chirp permettent au récepteur de les distinguer sans interférence.

Imaginez que vous êtes dans une pièce où plusieurs musiciens jouent en même temps. Chacun d’eux joue une mélodie différente sur un piano.
Dans ce cas, le piano représente le spectre de fréquences disponibles, et chaque note jouée est une fréquence spécifique.
Maintenant, imaginez que chaque musicien joue une gamme complète de notes, mais avec une approche différente :
* Le premier musicien commence à jouer les notes de Do à Si de manière ascendante (comme un chirp montant).
* Le second musicien joue la même gamme, mais de manière descendante, de Si à Do (comme un chirp descendant).
Même si les deux musiciens utilisent les mêmes notes (fréquences) sur le même piano (spectre de fréquences), la manière dont ils les jouent (ascendante ou descendante) permet à votre oreille de distinguer les deux mélodies clairement. Ils ne se perturbent pas parce qu’ils jouent les notes dans des directions opposées, ce qui rend leurs mélodies orthogonales.

Avantages et Inconvénients

Cette utilisation de l’étalement de spectre par LoRa, bien que consommant une largeur de bande bien plus importante que la modulation de fréquence traditionnelle à débit égal, améliore la sensibilité du récepteur. Cette sensibilité accrue, qui peut atteindre environ -137 dBm avec LoRa, est bien supérieure à celle d’une modulation de type FSK, qui tourne autour de -120 dBm. Cela conduit à pouvoir transmettre l’information avec moins de puissance d’émission. Cette efficacité énergétique du LoRa permet d’envisager des dispositifs autonomes qui restent fonctionnels pendant des années sans remplacement des batteries (compteur communicant par exemple).
Le LoRa fonctionne dans diverses bandes de fréquences à travers le monde, telles que 863–870 MHz en Europe, 902–928 MHz en Amérique du Nord, et 920–925 MHz en Asie .Sa capacité à communiquer sur de longues distances, même dans des environnements urbains, grâce à une résistance importante aux interférences, en fait un choix idéal pour de nombreuses applications IoT.

Pourquoi LoRa n’a-t-il pas eu l’Essor Escompté ?

Malgré ces avantages, LoRa n’a pas connu l’essor massif initialement anticipé pour plusieurs raisons. L’émergence de technologies concurrentes comme le NB-IoT et Sigfox, qui offrent également des solutions à faible consommation et longue portée, a fragmenté le marché IoT. De plus, le déploiement de réseaux LoRaWAN, nécessaire pour exploiter pleinement LoRa, peut s’avérer complexe et coûteux, freinant ainsi une adoption rapide et à grande échelle. Enfin, le marché de l’IoT étant diversifié avec des besoins spécifiques, LoRa ne répond pas toujours aux attentes universelles, ce qui limite son attrait global. Notamment les débits de transmission restent relativement faibles.

Et l’avenir ?

La technologie d’étalement de spectre du LoRa a indéniablement amélioré les capacités de communication de l’IoT, offrant une connectivité longue portée, fiable et économe en énergie (à titre d’exemple voici un terminal de communication textuel utilisant le LoRa). Cependant, la concurrence accrue, les défis d’infrastructure et la fragmentation du marché ont freiné l’adoption massive de cette technologie. En dépit de ces obstacles, LoRa reste une technologie clé dans le domaine de l’IoT, et il sera intéressant de voir comment elle évoluera.

Un modem LORA de la marque Ebyte fonctionnant sur la bande des 900 Mhz. Ce modèle intègre microcontrôleur qui gère le protocole de communication LoRa, ainsi que la création d’un buffer pour le stockage temporaire des données avant leur envoi ou après leur réception.